Nombreuses sont les histoires de jeunes joueurs de hockey qui s’exilent
pour poursuivre leur carrière.
Dans la plupart d’elles, les joueurs quittent un endroit pour un autre,
toujours dans leur pays, et en général, dans la même région. Les récits de
ceux qui traversent l’océan pour s’installer à près de 6 000 kilomètres de
leur lieu de résidence sont très rares.
C’est ici qu’entre en scène Théo Rochette.
Vous n’avez peut-être jamais entendu ce nom, mais cela va bientôt – et
rapidement – changer.
Tandis que la plupart des jeunes de 16 ans se préoccupent du dernier jeu
vidéo qu’ils souhaitent acheter ou de l’obtention de leur permis de
conduire, Rochette a dû prendre une décision pas mal plus importante qui
allait changer sa vie.
Il a décidé de partir de la maison, donc de la Suisse, pour faire avancer
son projet de jouer un jour dans la Ligue nationale de hockey.
Détenteur de la double citoyenneté, Rochette, qui entretient de solides
liens avec le Canada, a fait le choix de quitter la Suisse, un pays qui a
alimenté son parcours dans le hockey au cours des cinq dernières années,
pour jouer au hockey junior majeur avec les Saguenéens de Chicoutimi de la
Ligue de hockey junior majeur du Québec.
« J’ai dit à mon père que je voulais jouer chez les juniors au Canada »,
raconte Rochette, qui parle trois langues : le français, l’anglais et
l’allemand. « Il y a plus de dépisteurs et davantage de débouchés sur la
LNH. »
« Ici au Canada, il y a le meilleur hockey junior au monde. C’est super.
C’est un énorme avantage. »
Sa décision de revenir au Canada afin de jouer au hockey junior est loin
d’être singulière, car les joueurs européens utilisent la Ligue canadienne
de hockey (LHJMQ, OHL et WHL) pour faire avancer leur carrière depuis des
décennies.
Son transfert a cependant pris un tournant particulier lorsqu’il a décidé
de ne pas poursuivre son engagement international avec le hockey suisse
afin de représenter le Canada sur la scène internationale.
Né en Suisse, Rochette est arrivé au Canada dans son enfance et a vécu au
Québec pendant quatre ans (de six ans à dix ans) avant que la famille (y
compris la fratrie) ne reparte pour la Suisse.
Son père, Stéphane, est natif du Québec, mais il a vécu de nombreuses
années en Suisse où il a travaillé comme arbitre à différents niveaux. Sa
mère, Christine, est née en France, mais a vécu presque toute sa vie en
Suisse.
Lorsqu’on a connaissance de ces faits, on comprend clairement ses liens
avec l’Europe et l’Amérique du Nord. C’est pourquoi il n’était pas loin du
radar de Hockey Canada quand il était question de trouver des hockeyeurs
très talentueux, ayant le potentiel de jouer pour le pays.
« Nous sommes bien au fait des joueurs ayant la double citoyenneté »,
déclare le dépisteur en chef de Hockey Canada, Brad McEwen. « Nous
cherchons activement à les identifier. Nous ne voulons priver aucun
programme de ses joueurs, mais nous étions ouverts à ce qu’il joue pour le
Canada. Il avait déjà joué au hockey au pays, et sa famille est entrée en
contact avec nous (à ce sujet). »
Il n’a pas fallu longtemps pour que la demande fasse l’affaire des deux
parties; Rochette arborera de nouveau le rouge et le blanc, mais d’un autre
style afin de représenter le Canada sur la scène internationale en tant que
membre de Canada Blancs au Défi mondial de hockey des moins de 17 ans 2018.
« Nous voulions un engagement à jouer pour le Canada à long terme », ajoute
McEwen. « Nous ne voulions pas être un tremplin vers d’autres fédérations.
Lorsqu’il a manifesté ce désir, nous nous sommes sentis en confiance. »
Parmi les 66 joueurs sélectionnés dans le contingent canadien de trois
équipes, Rochette est le seul à n’avoir pas participé au camp national de
développement des moins de 17 ans l’été passé. Cependant, cette absence est
tout à fait justifiée.
À ce qui a probablement été sa dernière compétition internationale dans
l’uniforme de la Suisse, la Coupe Hlinka-Gretzky 2018 à Red Deer et à
Edmonton, en Alberta, Rochette a inscrit un but et trois points en six
matchs.
Cet engagement et le camp des moins de 17 ans étaient en conflit d’horaire,
toutefois, cela n’a diminué en rien ses chances de se tailler une place au
sein de la formation définitive.
« D’après l’information que nous avions, c’était un très bon joueur »,
indique McEwen. « C’est ce que nous avons pu confirmer quand on l’a vu
jouer [à la Coupe Hlinka-Gretzky]. Il était un joueur surclassé pour cet
événement, mais il a très bien joué. »
Avec cette transition en douceur et ce déménagement de la Suisse au Canada,
Hockey Canada obtient un joueur compétitif de haut calibre qui pourrait
devenir un joueur essentiel pour la nation à des épreuves internationales à
venir.
« Il a beaucoup d’habiletés pour la possession de rondelle et de créativité
en attaque », indique McEwen. « La philosophie de notre programme est de
favoriser ces aspects. Il rentre vraiment dans le moule en ce qui a trait à
la manière dont nous voulons jouer. Il a la capacité de fabriquer des jeux.
Il patine bien, joue rapidement et comprend bien le jeu. Il est capable de
prendre des décisions tout en maintenant son rythme. Il représente
réellement ce que nous cherchons dans un joueur. »
« Quand je l’ai vu jouer à Chicoutimi, il avait un temps de jeu
appréciable. Il ne semblait pas du tout intimidé. Il a joué et géré la
situation de façon remarquable. Et il a été utilisé dans toutes les
situations à l’attaque. »
Si Rochette poursuit sur cet élan, il pourrait suivre les traces d’un autre
joueur suisse, bien établi celui-là, mais pas très âgé lui non plus. Il
s’agit de Nico Hischier, une étoile montante des Devils du New Jersey, qui
a été repêché au premier rang du repêchage d’amateurs de la LNH en 2017.
« Je ne le connais pas personnellement », explique Rochette. « Je suis en
contact avec quelques personnes qui le connaissent bien. Mais j’aime son
style et sa façon de jouer. Je suis beaucoup de joueurs, mais c’est un de
ceux que je suis tout le temps. »
Si on se base sur ses compétences et son potentiel, Rochette pourrait-il
représenter une attraction similaire pour les dépisteurs et les dirigeants
de la LNH lorsqu’il deviendra admissible au repêchage en 2020?
« C’est sûr, affirme McEwen, mais il a encore beaucoup de hockey à jouer. »
« Lorsqu’on le compare à ses pairs, il a de bonnes chances d’être repêché
parmi les premiers rangs. Il suffit de voir le succès qu’il a dans la LHJMQ
pour constater qu’il a un très bon niveau de jeu. Je pense qu’avec la
notoriété qu’il a acquise et le niveau de jeu qu’il a démontré jusqu’ici,
il a une bonne chance d’être sélectionné tôt. »
Mais en attendant, le Canada continuera de nourrir son talent.