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Dans mes propres mots : Tyler McGregor
3 décembre 2020

Le hockey a été mon premier amour. Depuis la première fois que je me suis emparé d’un bâton à l’âge de 18 mois, c’est ma passion. Mon obsession. C’est l’air que je respire. Dans les moments les plus sombres et les plus solitaires de ma vie, il a été ma bouée de sauvetage. Ma lumière au bout du tunnel. Il m’a donné de l’espoir.

Au cours de mon enfance, j’ai pratiqué toutes sortes de sports. Cependant, je ne me sentais jamais aussi vivant que dans les moments où je tenais un bâton dans mes mains et que je chaussais des patins.

La fluidité. La vitesse. Le talent. La créativité. La robustesse. J’étais complètement captivé par le hockey. Au fil du temps, ça s’est transformé en un amour bien plus profond que la simple façon dont le sport est joué.

Faire partie d’une équipe et les liens indissociables qui en découlent. Les championnats gagnés et perdus. Les expériences et les souvenirs. Les leçons que j’en ai tirées – à propos de moi-même, des autres et de la vie. Le processus d’amélioration sans fin. Mettre mon corps et mon esprit au défi pour essayer de devenir le meilleur.

Le hockey peut aider à façonner qui nous sommes et ce que nous devenons.

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J’ai grandi à Forest, une petite ville du sud-ouest de l’Ontario. J’ai joint ma première ligue de hockey organisé à l’âge de trois ans... si on peut appeler ça organisé à cet âge. J’avais appris à patiner l’année précédente, et la maison dans laquelle j’ai grandi se trouvait à 400 mètres de l’aréna. Si cet aréna existait encore aujourd’hui, je vous garantis qu’il serait l’un des plus froids au Canada. Par contre, il n’y a pas d’endroit où j’aurais préféré passer la majeure partie de ma petite enfance.

La patinoire était minuscule. Les bandes dans chaque coin étaient presque à un angle de 90 degrés. Les panneaux de plexiglas de chaque côté de la patinoire étaient si bas que tout le monde dans les gradins pouvait se pencher par-dessus, et ils étaient assez instables pour que vous puissiez les secouer. Croyez-moi, nous l’avons fait. Chaque fois que notre équipe locale disputait des matchs importants à domicile, cet aréna était pratiquement envahi par toute la population de Forest, et tout le monde secouait la baie vitrée de manière incontrôlable. Nous faisions littéralement bouger ce bâtiment. Les souvenirs des matchs auxquels j’ai assisté et participé dans cet aréna me rendent nostalgique. C’est là que mes rêves ont pris forme.

La meilleure partie? Chaque fois que je partais, je descendais simplement la route jusqu’à la patinoire que mon père construisait chaque année dans notre cour. Sans quoi, j’étais dans le garage. Je pouvais passer des heures à y jouer au hockey par moi-même, avec mon père ou avec des amis, à recréer des buts et des moments auxquels je rêvais sans arrêt. Je prétendais être Doug Gilmour et Joe Sakic. Je décrivais le tout en imitant de mon mieux la voix de Bob Cole. Vous vous souvenez du but que Joe Sakic a marqué contre Mike Richter pour sceller la première conquête de la médaille d’or olympique du Canada au hockey masculin en 50 ans? Moi, je m’en souviens. J’ai marqué le même but environ un million de fois sur la patinoire dans notre cour et dans le garage, en essayant de perfectionner mon tir afin de pouvoir lancer comme lui.

Au fur et à mesure que ma passion et mes habiletés continuaient de croître et d’évoluer, j’ai commencé à jouer pour le programme pee-wee AAA (M12 de nos jours) du Jr. Sting de Lambton. Je suis éternellement reconnaissant que ma famille m’ait donné toutes les occasions de réussir, de vivre mon rêve d’enfance. C’est au cours de cette période que j’ai vraiment commencé à apprendre, à grandir et à exceller en tant que joueur.

Quelques années plus tard, le 11 septembre 2009, j’ai disputé mon dernier match de hockey sur patins. Je participais à mon premier match de la saison avec les Lakers de Huron-Perth. C’était notre année de repêchage dans la Ligue de hockey de l’Ontario (OHL) et je venais de terminer une saison au hockey midget mineur (M16) au sein de la catégorie des joueurs nés en 1993, même si je suis né en 1994. J’étais confiant, et j’étais prêt. J’étais impatient de commencer la saison.

Une période et demie plus tard... tibia et péroné fracturés, résultat de la collision devant le filet la plus anodine de ma carrière. Pour être honnête, il y avait eu des signes avant-coureurs. Ma jambe gauche me faisait atrocement souffrir depuis des semaines.

Je me suis donc retrouvé à ramper vers le banc avec une jambe cassée. J’avais désormais rendez-vous avec la salle d’opération et un processus de récupération de quatre à six mois. Si tout se passait bien, je serais de retour juste avant le début des séries éliminatoires.

C’est comme ça que les choses ont commencé, et j’étais de retour sur patins environ six semaines plus tard. À ce stade, un retour au jeu semblait fort probable. Les mois suivants ont été une tout autre histoire. Pendant cette période, je ne pourrais vous dire ce qui poussait dans ma jambe. C’était chaud, comme toucher un front fiévreux, mais jamais douloureux. Surtout, c’était énorme. En janvier, j’avais une boule de la taille d’une balle de tennis sur ma jambe gauche. Essayer d’installer ma jambière par-dessus celle-ci était ridicule. Pourtant, j’ai quand même participé à l’entraînement de l’équipe avant mon dernier rendez-vous avec le chirurgien. J’avais prévu d’obtenir l’autorisation et de revenir au jeu la semaine suivante. Comme j’étais naïf du haut de mes 15 ans.

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Nous sommes maintenant le 25 janvier 2010. La radiographie que j’avais subie avant de rencontrer le médecin a montré qu’il manquait environ deux pouces à l’os de ma jambe gauche. Il était maintenu en place par la tige de titane qu’on m’avait insérée des mois plus tôt pendant la chirurgie. Je vous épargne la terminologie médicale, que je massacrerais probablement de toute façon, mais on a décidé que je devais subir une intervention chirurgicale d’urgence le lendemain.

J’ai pris place dans la salle d’opération sans connaître exactement la nature de l’intervention. Chirurgie reconstructrice de l’os ou biopsie. Cependant l’intuition du chirurgien, après avoir étudié mes radiographies, était qu’il s’agissait d’un cancer. Il avait raison, et le diagnostic fut un sarcome à cellules fusiformes, une forme de cancer des tissus mous qui provient de l’os.

Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de ces premières semaines à l’hôpital, mais j’ai pu passer une nuit à la maison. L’une des premières personnes à appeler chez moi?

Bobby Orr.

Sérieusement. Ma mère a presque raccroché, car elle pensait qu’il s’agissait d’un canular. Heureusement, elle ne l’a pas fait, et j’ai eu l’honneur de parler avec l’un des plus grands hockeyeurs canadiens.

J’ai commencé un protocole de chimiothérapie de huit mois la semaine suivante. Le premier traitement a provoqué la pire nausée de ma vie. C’était l’enfer pendant près de deux semaines. Je ne souhaite ça à personne.

À la même période, en février 2010, les Jeux olympiques de Vancouver étaient sur le point de commencer. Ma mère nous avait procuré des billets pour que nous y assistions avec d’autres membres de notre famille, mais elle a dû annuler ces plans après mon diagnostic. Je me souviens avoir voulu qu’elle y aille malgré tout, pour vivre cette expérience unique dans une vie.

Cependant, elle ne l’a pas fait; elle a passé chaque jour à l’hôpital avec mon père, ma sœur et moi. Nous avons plutôt regardé la cérémonie d’ouverture ensemble sur la pire télé du monde à l’hôpital.

Je me sentais coupable. Donc, pendant que nous regardions la cérémonie, je lui ai dit que nous irions aux prochains Jeux ensemble dans quatre ans. Et quatre ans plus tard, c’est ce que nous avons fait. Sauf que nous n’y sommes pas allés en tant que partisans. Elle était là pour me voir jouer.

Au cours de ces premières semaines, il semblait que le monde s’écroulait autour de moi. Après une réunion avec mon oncologue orthopédiste, mon monde s’est écroulé. La nouvelle qu’il m’a annoncée était celle que je craignais le plus depuis mon diagnostic.

Je n’oublierai jamais ces mots. « Tyler, pour te sauver la vie, nous devons amputer ta jambe.  

Ma mère et mon père étaient à mes côtés dans la chambre d’hôpital à ce moment-là, et nous ne pouvions pas arrêter de pleurer.

On dit que priver une personne de son gagne-pain revient à la tuer. Eh bien, ces mots m’ont tué. Tout ce dont j’avais rêvé, disparu. D’un seul souffle.

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Mon amputation a eu lieu le même jour que le repêchage de l’OHL dont j’avais prévu faire partie. Après ma chirurgie – et pendant les cinq mois de chimiothérapie qui ont suivi –, je n’avais aucune idée de qui j’étais ni de ce que j’allais devenir. Malgré toutes les personnes incroyables qui m’entouraient, je me sentais seul au monde.

L’un des avantages, cependant, a été de pouvoir assister aux grandes rivalités du hockey sans arrêt. C’était l’occasion d’échapper à la réalité. C’est devenu ma religion. Comme partisan de Sakic, la rivalité Red Wings-Avalanche de la fin des années 1990 a toujours été ma préférée. Regarder ces matchs m’a aidé à traverser certains des moments les plus sombres de cette période. Le hockey était toujours là pour détourner mon attention, pour me donner de l’espoir et me procurer une source de motivation ­– même quand je ne savais pas si j’allais pouvoir jouer à nouveau. 

La partie la plus difficile? Il ne s’agissait pas de vaincre le cancer ni de surmonter l’amputation. Non, j’avais tout l’amour, le soutien et les ressources du monde pour mener cette bataille.

J’avais mon héros, Terry Fox, dont l’héritage m’a permis de survivre. 

J’avais mes médecins, infirmières et autres membres du personnel médical. Leur magie m’a littéralement sauvé la vie.

Puis, j’avais ma famille, mes amis et mes coéquipiers. Ils étaient à mes côtés chaque étape, littéralement. Ma mère, mon père et ma sœur ont dû faire des milliers de voyages entre Forest et London cette année-là. C’est l’une de ces questions auxquelles vous ne semblez pas trouver de réponse : comment pourrais-je un jour les remercier pour ce qu’ils ont fait pour moi? J’aime ma famille plus que je ne pourrai jamais l’articuler à l’aide de mots.

Non, la partie la plus difficile fut ma bataille interne. Me sortir du coin le plus froid et le plus sombre et décider que ma vie n’était pas terminée. Elle ne faisait que commencer, et faire les choses à moitié ne fait vraiment pas partie de mon ADN. J’avais été privé de hockey pendant près de deux ans, à quelques exceptions près. Je me suis donc lancé corps et âme dans quelque chose de nouveau. Un sport qui est à la fois presque identique et différent. Un sport qui a ravivé la flamme en moi. Un sport dans lequel je pourrais finir par exceller.

C’est à ce moment que j’ai commencé à jouer au parahockey, après y avoir été initié par d’anciens entraîneurs.

C’était étrange de commencer à pratiquer un sport identique à bien des égards. C’est un sport que j’avais pratiqué toute ma vie, mais j’ai dû adapter ma façon de jouer du tout au tout, sans utiliser mes jambes.

La transition me semblait plus technique qu’autre chose – devoir apprendre de nouvelles compétences qui comprenaient l’utilisation du haut de mon corps et de mon torse, afin que je puisse les appliquer aux connaissances, aux habiletés et aux instincts que j’avais développés depuis le jour où j’avais appris à me tenir debout.

J’ai eu droit à une leçon d’humilité, et elle a été incroyablement difficile. Alors je me suis adapté – dans mon entraînement, mon état d’esprit, ma perspective.

Neuf ans plus tard, la leçon d’humilité se poursuit, et ce sera toujours le cas. Ça explique en partie pourquoi j’adore ce sport. Ces obstacles qui se présentent sans cesse et vous obligent à apprendre, à vous adapter et à surmonter les défis.

Surtout après avoir pensé que mes rêves de hockeyeur étaient terminés, le parahockey était exactement ce dont j’avais besoin. Après m’être senti perdu, ça m’a procuré une nouvelle direction.

Ce n’était pas seulement une chance de jouer à nouveau; je voulais jouer pour Équipe Canada. Je ne me suis jamais contenté de simplement participer. Je veux être le meilleur au monde. Alors j’ai fait ce que fait un enfant issu d’une famille de cols bleus... je me suis mis au travail.

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Avant la fin de 2012, j’ai disputé mon premier match en tant que membre de l’équipe nationale de parahockey du Canada. Les choses ne deviennent pas plus faciles lorsque vous parvenez au but. Vous ne pouvez pas devenir complaisant et satisfait. C’est là que le vrai travail commence. Essayer d’être une meilleure version de vous-même que vous ne l’étiez hier.

Croyez-moi, ce n’est pas facile. Ça n’a définitivement pas été facile pour moi. Ce ne l’est pas non plus pour quiconque. Les huit dernières années ont été les plus merveilleuses de ma vie, et ce, grâce à mon équipe. Nous avons d’anciens combattants, des survivants du cancer et d’autres problèmes de santé, certains ont été victimes d’accidents tragiques, d’autres sont nés avec un handicap. Des personnes hautement performantes de tous horizons. Ils sont mes meilleurs amis et mon inspiration. Nous avons tout partagé ensemble.

Les performances dignes des faits saillants. Les trucs impressionnants. Les championnats mondiaux. Les célébrations. Ces moments de pure joie que vous souhaiteriez voir durer éternellement. Nous les avons partagés ensemble.

Ces jours où vous êtes sur le point de tout lâcher, ceux qui sont remplis de douleur et de souffrance. Les moments crève-cœur. Les larmes. Ces conversations de fin de soirée sur le hockey et la vie. Nous les avons également partagés.

Tous les moments les plus importants de ma vie adulte, les plus grandes leçons. Nous les avons tous partagés ensemble. Je n’échangerais ça contre rien au monde. Ces gars sont tout pour moi.

Il est important de le savoir – ce n’est jamais pas facile. Ça ne devrait pas l’être.

Donc, peu importe ce dont vous rêvez. Tout ce qui allume une flamme en vous. Atteindre votre but n’est pas seulement une destination à laquelle vous arrivez un jour. Ce n’est pas seulement la médaille d’or ou la coupe Stanley. Vous ne devriez jamais cesser de vous fixer ces objectifs. Toutefois, rappelez-vous toujours, une grande partie du rêve se réalise en fait maintenant. Le moment présent et la prochaine étape que vous franchissez. C’est prendre la décision d’agir pour créer l’avenir dont vous rêvez.

Ces championnats en cours de route? Ils sont le résultat de ces décisions difficiles de poursuivre votre rêve. De vous investir et de savourer chaque instant.

Dans mon cas, c’était le jeune garçon qui devait toujours avoir une rondelle sur son bâton, qui est devenu obsédé par le fait de s’améliorer. Il est devenu l’enfant qui a décidé de recoller ses morceaux cassés pour trouver un moyen de continuer à jouer. Maintenant, c’est l’homme qui se réveille chaque jour avec l’objectif de perfectionner son art. De repousser les limites de ses capacités physiques et psychologiques. De devenir exceptionnel.

Vous devez cependant comprendre que vous ne pouvez y arriver seul. Entourez-vous de personnes qui vont vous pousser, vous donner des leçons d’humilité, vous aider, vous aimer et prendre soin de vous.

Plus important encore, assurez-vous de toujours faire de même pour elles.

  

À propos de l’auteur

Tyler McGregor s’est joint à l’équipe nationale de parahockey du Canada à l’automne 2012, méritant rapidement une place régulière au sein de la formation d’Équipe Canada. Son parcours comprend une médaille de bronze aux Jeux paralympiques d’hiver de 2014 et une médaille d’argent en 2018, ainsi que des médailles d’or au Championnat mondial de parahockey du CIP en 2013 et 2017, où il a marqué deux fois en 13 secondes pour aider le Canada à vaincre les États-Unis en finale. McGregor, qui occupe le cinquième échelon dans l’histoire de l’équipe nationale avec 142 points (76B, 66A) en 109 matchs, a été nommé capitaine d’Équipe Canada avant la saison 2019-2020.