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Un patrimoine vivant

Les racines de la Colored Hockey League of the Maritimes, qui sont bien ancrées dans le passé et le présent du hockey, pourraient bien façonner l’avenir

Garreth MacDonald
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7 février 2021
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Pour William James Riley, la passion du hockey est née de façon typiquement canadienne. 

« Je n’ai manqué aucune édition de Hockey Night in Canada », affirme Riley. 

« Tous les samedis soir, j’avais les yeux rivés sur l’écran. »

Quant à son équipe favorite, il n’a jamais vraiment eu à choisir. Un pyjama scelle son destin alors qu’il est enfant.

« J’en veux à ma mère de m’avoir acheté un pyjama des Maple Leafs de Toronto », avoue Riley en riant.

« Mon frère, lui, a reçu un pyjama des Blackhawks de Chicago, qui ont gagné trois ou quatre fois la Coupe Stanley depuis, tandis que mes Leafs sont bredouilles depuis 1967. »

Riley, mieux connu dans le monde du hockey sous le nom de Bill, lace ses premiers patins alors qu’il est tout jeune, à Amherst, sa ville natale de la Nouvelle-Écosse. 

C’était bien avant son arrivée à Washington, D.C., où il entre dans l’histoire avec les Capitals de Washington en devenant, le 26 décembre 1974, le troisième joueur noir dans la Ligue nationale de hockey, et le premier Afro-Néo-Écossais.

Révélatrice de l’histoire des Noirs au hockey dans sa province d’origine, cette distinction suscite une immense fierté chez Riley, intronisé au Temple de la renommée de la Nouvelle-Écosse en 1998.

« Il y avait beaucoup de bons joueurs noirs. »

« Pas seulement parmi mes coéquipiers, mais aussi dans la génération qui m’a précédé, dans laquelle des hockeyeurs au talent incroyable n’ont jamais été invités à jouer ou n’en avaient pas l’occasion. »

« Lorsque j’y repense, je me demande toujours pourquoi aucun d’entre eux n’a été invité à jouer dans une équipe senior. »

On dit que la Nouvelle-Écosse serait le berceau de la culture et du patrimoine des communautés noires au Canada, dont les racines sont profondément ancrées partout dans la province et, dans certains cas, remontent à plus de 400 ans. 

C’est une culture et une histoire que le sergent Craig Smith œuvre à préserver. Depuis cinq ans, il est président du Black Cultural Centre for Nova Scotia. 

Pour M. Smith, auteur et historien, il est tout naturel que le hockey fasse partie de la vie des communautés noires de la province.

« Ma mère vient de New Glasgow, d’une famille de 18 enfants », raconte M. Smith. 

« Ils ont tous appris à patiner à un jeune âge. Tout le monde apprenait à nager et à patiner, car il y avait des étangs et des lacs partout dans le voisinage. C’est la même chose pour la plupart des communautés noires de la province, surtout celles en périphérie de la ville. »

« Pour beaucoup d’hommes, le hockey est devenu un incontournable. »

À l’aube du XXe siècle, la relation entre les communautés noires de la province et le sport est officialisée. En 1895, un groupe de dirigeants d’une congrégation baptiste noire et d’intellectuels noirs fondent la Colored Hockey League of the Maritimes (CHL). 

Créée plus de 20 ans avant la LNH, la ligue vise à inciter les jeunes hommes noirs à venir à l’église, en leur proposant la tenue d’un match contre les églises et communautés rivales après le service religieux du dimanche.

En moins de 10 ans, la ligue quitte les étangs pour les arénas locaux, et elle compte désormais des centaines de joueurs répartis dans une dizaine d’équipe de communautés comme Dartmouth, Africville et Upper Tantallon. Des clubs formés de Canadiens noirs provenant d’aussi loin que Amherst, la ville natale de Riley, et même Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard, se disputent le titre de la Ligue.

« Il s’agissait d’hommes noirs qui, en même temps qu’ils se battaient pour leur droit à l’égalité dans leur propre pays, jouaient au hockey sur les lacs et les étangs et avaient fondé leur propre ligue », explique M. Smith. 

« C’est franchement incroyable, quand on y pense. »

Au début, les matchs de la CHL sont disputés en l’absence de règles officielles. Sans ces contraintes, la ligue favorise un style de jeu rapide, physique et novateur, et on dit que ses équipes n’ont rien à envier aux meilleures équipes blanches de l’époque. 

La ligue serait à l’origine des premières variations du style papillon, chez les gardiens de but, et même du tir frappé.

Alors que les règles de jeu l’interdisent chez les équipes blanches, le petit gardien de but Henry Franklyn, surnommé Braces, n’hésite pas à s’agenouiller pour arrêter les tirs, tandis que Eddie Martin, des Eurekas de Halifax, lève le bâton à la hauteur de la taille et frappe la rondelle en direction du filet adverse. Ce n’est que 50 ans plus tard que Bernard Geoffrion, dit Boom Boom, popularise le tir avec les Canadiens de Montréal.

Toutefois, les activités novatrices de la CHL sont de courte durée. Après des décennies de discrimination et de politiques gouvernementales racistes, un litige oppose les fonctionnaires à Africville, la communauté noire de Halifax, au sujet d’un plan d’expansion ferroviaire prévoyant l’annexion des terres de celle-ci.

Pendant la bataille juridique de cinq ans qui s’ensuit, les organisateurs de la ligue peinent à louer du temps de glace de qualité. De nombreux propriétaires d’arénas refusent leurs installations à la ligue, forcée de retourner jouer sur les lacs et les étangs de la communauté, où elle est née.

Selon les dires, la couverture médiatique des matchs de la LCH s’arrête pratiquement du jour au lendemain, tout comme l’influence de la ligue dans les Maritimes. 

Dans les années 1920, la CHL se reforme brièvement, mais elle ne retrouve pas l’envergure ni la popularité d’avant. Quand la Deuxième Guerre mondiale éclate, la ligue est essentiellement effacée de l’histoire du Canada atlantique.

« Certaines communautés sont disparues, des gens ont déménagé ailleurs, et j’ai vu le hockey devenir un sport très coûteux, ce qui explique qu’il n’y ait plus autant de personnes noires qui s’intéressent au hockey », explique M. Smith.

L’intérêt envers la ligue renaît en 2004, quand George et Darril Fosty publient Black Ice: The Lost History of the Colored Hockey League of the Maritimes, 1895 to 1925.

Le livre suscite l’attention de Wilf Jackson, qui n’a jamais entendu parler de la CHL auparavant. Inspirés par l’histoire oubliée de la communauté noire, M. Jackson et Olive, sa regrettée épouse (dont certains parents, apprennent-ils, ont joué dans une équipe de la ligue à Truro) mettent sur pied, de concert avec d’autres bénévoles, la Black Ice Hockey and Sports Hall of Fame Society.

Ils collaborent également avec Hockey Nouvelle-Écosse au lancement d’un programme de hockey visant les jeunes issus des communautés noires, le Black Youth Ice Hockey Program.

L’objectif est simple : éliminer les obstacles et rendre le sport plus accessible à une communauté qui, à l’heure actuelle, est sous-représentée dans les arénas de la Nouvelle-Écosse.

« Les choses ont changé pour nous », dit M. Jackson, l’actuel président de la société. « Nous voulons simplement revenir au jeu. »

Depuis les débuts du programme, il y a 12 ans, plus de 300 jeunes Néo-Écossais noirs ont pu apprendre les rudiments du hockey. La popularité du programme croît d’année en année. En 2019, Sidney Crosby a fait don d’une dizaine d’ensembles d’équipement complets pour ses participants.

« C’est merveilleux, car au départ, je me disais que, si quelques jeunes s’inscrivaient, ce serait déjà une réussite », dit M. Jackson.

La CHL a cessé ses activités il y a près d’un siècle, mais selon le sergent Craig Smith, son influence se fait encore sentir de nos jours, même dans les plus hautes sphères du hockey.

« Evander Kane a de la famille à East Preston et à North Preston, Devante Smith-Pelly, à Guysborough, et Wayne Simmonds, à North Preston », explique M. Smith.

« Quand on regarde ces hockeyeurs qui évoluent dans la LNH aujourd’hui, ainsi que des joueurs comme Pokey Reddick et Bill Riley, et ceux qui les ont précédés, on peut penser que, d’une certaine manière, la CHL a contribué à leur gloire, ainsi qu’à la possibilité pour eux d’accéder à cette gloire. »

Riley le sait bien. Son grand-père Fred a participé à un championnat de la CHL avec les Royals d’Amherst au début des années 1900. Mais l’aîné était réticent à discuter de ses expériences avec son petit-fils, une vedette du hockey émergente sur la scène locale.

« La seule chose qu’il pouvait me dire à propos de la ligue, c’est que les portes leur étaient claquées au nez », se remémore Riley.

« Je sais qu’il n’aimait pas en parler, car il avait peur que ça me dissuade de lutter pour réaliser mes rêves. »

En effet, la discrimination et le racisme font aussi partie du parcours au hockey du jeune Riley, qui l’a mené au hockey junior A en Nouvelle-Écosse, à la ligue de hockey senior de Colombie-Britannique, à la Ligue internationale de hockey, à la Ligue américaine de hockey, et enfin à la LNH.

« Il y avait assurément de l’hostilité », confie Riley. « Surtout quand on jouait dans d’autres villes. »

« Il y a beaucoup de choses qui se sont produites et qui ont été dites que j’ai dû garder pour moi-même, parce que je ne voulais pas faire de vagues pour les jeunes noirs qui viendraient après moi. »

Mais ces cas de racisme et de haine n’ont pas suffi à décourager l’ailier droit travaillant et respecté, qui s’alignerait avec les Capitals et les Jets de Winnipeg à différents moments au cours de cinq saisons dans la LNH. En 139 matchs en carrière, il allait récolter 31 buts et 30 aides. 

En 1982, il a mené les Hawks du Nouveau-Brunswick, une ancienne équipe de l’AHL, à un championnat de la Coupe Calder à titre de capitaine de l’équipe.

Par ailleurs, Riley est fier de ne pas avoir été le dernier joueur noir talentueux issu de son ancien quartier.

Craig Martin, d’Amherst, a été repêché par les Jets de Winnipeg en 1990, et Mark McFarlane, qui a remporté la Coupe Memorial avec les Broncos de Swift Current en 1989, était un vétéran du circuit des ligues mineures.

« C’est incroyable, que trois joueurs noirs venant d’un petit quartier d’Amherst aient atteint les rangs professionnels après avoir cheminé dans le système de hockey de la Nouvelle-Écosse lorsqu’ils étaient jeunes », raconte Riley. 

« Et nous devions tous ce succès à la Colored Hockey League. »

C’est un legs qui reste cher aux yeux de Riley, un homme qui a aidé à paver la voie pour les prochaines générations de hockeyeurs noirs dans la LNH, comme Mike Grier, Anson Carter et Evander Kane, de même qu’un de ses joueurs préférés, qui fait maintenant partie de l’équipe qu’il soutient depuis qu’il est petit.

« Je ne m’en cache pas, j’aime Wayne Simmonds et j’étais tellement content quand Toronto a obtenu ses services. »

« Je me suis cogné la tête au plafond tellement j’ai sauté lorsqu’il a marqué son premier but pour les Maple Leafs. »

Ce samedi soir, vous trouverez sans doute William James Riley au même endroit que lorsqu’il était jeune garçon : devant le téléviseur. Comme la communauté noire en Nouvelle-Écosse, ses racines au hockey sont profondes, et cette fin de semaine, il encouragera son équipe préférée. 

Dernièrement, son appui prend un sens plus profond. Ce n’est plus qu’une simple histoire de pyjama.

Pour plus d'informations :

Esther Madziya
Responsable, communications
Hockey Canada

(403) 284-6484 

emadziya@hockeycanada.ca

 

Spencer Sharkey
Responsable, communications
Hockey Canada

(403) 777-4567

ssharkey@hockeycanada.ca

 

Jeremy Knight
Responsable, communications organisationnelles
Hockey Canada

(647) 251-9738

jknight@hockeycanada.ca

 

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