L’objectif était clair. Ben Preisner voulait atteindre le standard
olympique à l’événement Marathon Project, qui a eu lieu à Chandler, en
Arizona, et être parmi les deux Canadiens à se qualifier pour les Jeux
olympiques d’été de Tokyo.
La seule chose qui clochait pour l’athlète de 25 ans, c’est qu’il n’avait
jamais participé à un marathon officiel auparavant.
« C’était pas mal le seul marathon en Amérique du Nord qui permettait
d’obtenir une qualification en vue des Olympiques », confie Preisner. «
Puisque je n’avais encore jamais établi de temps, je savais que l’épreuve
du Marathon Project représentait ma seule et unique chance d’obtenir mon
billet pour Tokyo. »
Il s’agissait d’une tâche colossale. Il y avait seulement trois places
disponibles au sein d’Équipe Canada pour les marathoniens. Un athlète avait
déjà sa qualification. Accompagné de compétiteurs aguerris sur la piste,
dont deux Canadiens qui visaient eux aussi une présence aux Jeux, Preisner
avait une pression énorme sur les épaules à ses débuts.
De plus, il était encore un néophyte de ce sport, et son plan de course
évoluait au fil de ses apprentissages lors de ses entraînements quotidiens.
« Quand j’ai commencé à courir, il y avait tellement d’aspects que je ne
connaissais pas, par rapport au rythme, ainsi qu’à ma consommation d’eau et
de glucides pendant les courses », explique Preisner. « J’ai dû composer
avec plusieurs choses, mais heureusement, mon entraîneur Richard Lee a
beaucoup d’expérience et a été en mesure de me guider. »
Avant l’événement, l’homme natif de Milton, en Ontario, a parcouru sa
première distance de marathon dans le cadre d’une épreuve contre la montre,
affichant un temps impressionnant de 2:15:24. À la course du Marathon
Project, Preisner l’a abaissé. Il a fini au huitième rang, terminant le
parcours en 2:10:17. Il surpassait ainsi facilement le standard olympique,
qui est de 2:11:30. En plus d’avoir été le meilleur coureur de son pays, il
a enregistré le quatrième meilleur temps parmi les hommes canadiens dans
l’histoire de cette discipline.
« Je suis très chanceux d’avoir réussi ça ce jour-là. »
Même si la course occupe une place importante dans sa vie, Preisner est
également passionné par un autre sport : le hockey. En fait, son amour du
hockey l’a poussé à courir pendant les saisons mortes.
Preisner a commencé à jouer au hockey vers l’âge de quatre ans et est
aussitôt tombé en amour.
« Je n’aurais pu avoir une plus belle initiation », confie-t-il. « La
communauté du hockey de Milton est merveilleuse. »
Il a joué au hockey (volet compétitif) avec les Winterhawks de Milton
jusqu’à sa 11e année. Dès son jeune âge, il a pris le hockey
très au sérieux. Dès qu’il avait la chance d’aller sur la glace avant le
début de son entraînement matinal, Preisner sautait sur l’occasion, selon
les dires de Paul Dodson, qui a été son entraîneur quand il avait sept ans.
« Ben réveillait son père vers 5 h 30 et insistait pour manger un bon
déjeuner nutritif, puis se rendait à l’aréna », se remémore Dodson. « Ils
arrivaient à 6 h 30, et Ben attendait pour pouvoir faire son entrée sur la
patinoire. Il avait toujours hâte. Je pense qu’il avait vraiment du plaisir
à jouer. »
Désigné capitaine par ses coéquipiers, Preisner a aussi prêché par
l’exemple sur la glace et ailleurs.
« Tout le monde l’aimait, c’était un plaisir de le diriger », exprime son
ancien entraîneur, Fred Henein. « Il écoutait intensément, il voulait
apprendre et s’améliorer. C’était vraiment un bon gars à avoir dans son
équipe. »
Pour Preisner, Dodson et Henein l’ont aidé à forger son amour pour le
hockey et ont eu un impact encore plus grand sur sa vie en général.
« Ces deux personnes ont joué un rôle fondamental dans mon développement en
tant qu’athlète, et je leur dois, pour beaucoup, mes aptitudes de meneur,
ma passion pour le sport et ma ténacité », commente-t-il. « Ils m’ont
permis d’acquérir plusieurs aptitudes qui ont fait de moi l’athlète que je
suis aujourd’hui. »
Quand ils ont appris que leurs années passées à diriger Preisner ont eu un
si grand effet sur sa vie, Dodson et Henein se sont sentis très honorés.
« C’est très gratifiant, j’en ai les larmes aux yeux, juste de savoir que
j’ai pu être aussi important pour quelqu’un », affirme Dodson. « J’ai été
entraîneur pour avoir du plaisir et pour l’amour que j’avais pour ces
jeunes… ça me rend fier. »
« C’est une personne fantastique à côtoyer qui a la bonne attitude, et je
suis vraiment content d’avoir eu une quelconque influence sur sa vie »,
raconte Henein. « C’est quelqu’un qui allait avoir du succès, peu importe
ce qui se dresserait devant lui. Il est motivé, très gentil et facile
d’approche. C’est un privilège de le connaître. »
Même s’il savait qu’il n’atteindrait pas la LNH, Preisner dit qu’il a aimé
s’amuser et jouer avec ses amis au hockey mineur. Les amitiés qu’il a
forgées avec ses coéquipiers perdurent encore aujourd’hui.
« Plusieurs d’entre nous sont allés à l’école ensemble, nous sommes une
communauté tissée serrée », lance-t-il. « C’est toujours plaisant que
d’anciens coéquipiers de hockey me contactent pour me souhaiter bonne
chance. »
À l’école secondaire, les élèves pouvaient seulement pratiquer un sport par
saison. Le hockey étant un de ses sports, Preisner a commencé à penser à
une autre activité à faire pendant la saison morte. C’est là qu’il a
découvert la course à pied.
« Je cherchais quelque chose à faire et j’ai toujours su que les sports
d’endurance étaient ma force, en quelque sorte. Ce sport est devenu pour
moi ma façon de me garder en forme en vue de la prochaine saison de hockey.
»
Non seulement le hockey et la course à pied allaient de pair, mais Preisner
raconte qu’il était aussi en mesure de transférer ses habiletés d’un sport
à l’autre.
« Je pense qu’il est vraiment important d’être un athlète multisports à un
jeune âge », conseille-t-il. « Ça permet de développer différents groupes
musculaires et d’autres choses, mais la course est également une discipline
vraiment différente du hockey, qui mise plus sur les aspects individuels du
sport. Je pouvais me concentrer sur moi et sur l’amélioration de mes
aptitudes, et ça m’a bien servi au hockey. Je peux apporter cette attitude
mentale et cette éthique de travail que j’ai acquises grâce à la course
jusque dans le vestiaire. »
Quand ses parcours sur glace et sur piste ont commencé à se croiser, il a
choisi de délaisser ses patins pour faire de la course sa priorité. À
l’école secondaire, il a pris part à des épreuves de cross-country et de
steeplechase, puis il a fait une transition vers les courses de 10 000 m
une fois à l’Université de Tulsa. Il a continué d’augmenter graduellement
la distance de ses compétitions.
« J’ai toujours été un athlète d’endurance », dit-il. « Je n’avais pas
nécessairement la vitesse de plusieurs de ces coureurs de 1 500 m ou de 3
000 m. »
« Les courses de fond m’ont permis de mieux combiner mon style de course à
mon style d’entraînement. »
En 2019, Preisner a couru son premier demi-marathon. Il a été le vainqueur
des épreuves de Vancouver et Toronto. Il explique que l’étape de courir un
marathon complet lui est venue en tête parce que les Jeux de Tokyo
approchaient et que le demi-marathon n’est pas au calendrier des Jeux
olympiques.
« Je devais y aller pour le 10 km ou le marathon. Le 10 km, ça exige un
rythme trop rapide pour moi, donc j’ai opté pour le marathon, et j’adore
ça. »
La pandémie de COVID-19 s’est dressée sur le chemin de Preisner. Peu
d’événements pouvant avoir lieu avant les Jeux de Tokyo, il a participé à
un camp d’entraînement en Arizona pour courir en altitude. Il s’est ensuite
envolé tôt vers le Japon avec Athlétisme Canada pour s’acclimater à la
chaleur et bien planifier ses besoins en eau et en glucides en vue de la
course.
Son expérience sur la scène olympique a également été différente de celle
d’autres athlètes. Au lieu de rester dans le village olympique, Preisner et
son équipe logent dans un hôtel dans la ville de leur événement, soit
Sapporo, à environ 1 100 kilomètres de Tokyo. Malgré les différences, le
prestige de représenter le Canada aux Jeux olympiques demeure le même.
« C’est assurément une grande étape et un immense honneur », dit-il. « Ce
n’est pas facile de se tailler une place au sein de cette équipe. Je suis
très reconnaissant d’avoir été choisi. »
Et quel est l’objectif de Preisner aux Jeux? Il veut terminer au plus haut
rang possible pour son pays.
« Je me mets vraiment beaucoup de pression sur les épaules, mais j’aime
transformer cette pression en positif. J’ai juste hâte de montrer que
l’équipe canadienne est prête, et nous allons offrir notre meilleure
prestation sur cette piste. »