Eric Staal avait prévu jouer au hockey cette année, mais certainement pas
en Chine.
Il espérait que la dernière saison, où il a aidé les Canadiens de Montréal
à se faufiler en finale de la Coupe Stanley contre toute attente, ne serait
pas sa dernière.
Le joueur autonome de 37 ans était chez lui, au Minnesota, à attendre
qu’une équipe de la LNH compose son numéro, mais quand la saison a commencé
et qu’il n’avait que peu d’offres concrètes sur la table, il craignait
devoir accrocher ses patins après 18 saisons et 1 293 matchs dans la LNH.
Toutefois, l’histoire a pris une tournure inattendue quand, juste avant
Noël, la LNH et l’AJLNH ont annoncé qu’elles ne participeraient pas aux
Jeux olympiques d’hiver de 2022.
Mais comme il était hors de question que le Canada n’envoie pas d’équipe
masculine à Beijing, le directeur général Shane Doan s’est tourné vers les
joueurs n’ayant pas de contrat avec la LNH.
Comme Staal.
Doan a rapidement contacté l’attaquant pour voir si ça l’intéressait,
représenter son pays pour une septième fois et participer à ses deuxièmes
Jeux olympiques. Tous deux affirment que cet appel fut bref mais fructueux.
« Ce n’était pas mon plan A, mais des fois, c’est ça, la vie, philosophe
Staal. On attend qu’une porte s’ouvre, et puis on fonce! C’est comme ça
pour moi, ces temps-ci. Quand Shane m’a offert cette chance, j’ai sauté
dessus. »
Soudainement, Staal – qui, en attendant que le téléphone sonne, conduisait
ses enfants à leurs entraînements et leurs matchs de hockey et patinait
trois fois semaine pour garder la forme – venait de se joindre à Équipe
Canada pour aller jouer de l’autre côté de la planète, à 14 heures de
décalage horaire de sa famille.
« Le dernier mois n’a pas été de tout repos, mais j’ai vraiment hâte
d’essayer de décrocher l’or avec les gars. Je vais tenter de profiter au
maximum de cette occasion. »
Pour Doan, qui a été le coéquipier de Staal pendant 13 saisons dans la LNH
et deux fois au Championnat mondial de l’IIHF, en 2007 et en 2008, la seule
véritable question était de savoir si le centre de 6 pi 4 po pouvait encore
atteindre une forme physique digne de l’élite.
Défi relevé.
Staal a joué quatre matchs avec le Wild de l’Iowa dans la Ligue américaine
de hockey, inscrivant deux buts et trois aides avec le club-école du
Minnesota. De son propre aveu, c’était un test physique important avant de
s’engager à jouer pour le Canada.
Doan estime que Staal est un atout majeur pour l’unifolié à Beijing.
« Il apporte de la crédibilité, explique-t-il. C’est un joueur qui trouve
le moyen de gagner. »
En effet, le natif de Thunder Bay est un habitué de la victoire. Ayant
remporté la Coupe Stanley avec les Hurricanes de la Caroline en 2006, une
médaille d’or au Championnat mondial 2007 de l’IIHF et une autre aux Jeux
olympiques d’hiver de 2010, il fait partie du très sélect Club triple or,
qui ne compte que 29 membres (dont 11 Canadiens.)
C’est ce dernier triomphe, à Vancouver il y a 12 ans, qu’il chérit le plus.
Non seulement c’était en territoire canadien, mais c’était aussi sa
première expérience olympique. Il garde de précieux souvenirs de l’esprit
des Jeux, d’avoir pu assister aux compétitions des autres sports et d’avoir
rencontré d’autres athlètes.
« Les souvenirs de 2010 sont encore très frais dans ma mémoire, dit-il. On
ne réalise pas à quel point le temps file. »
Staal se souvient parfaitement d’avoir commencé le tournoi aux côtés de
Ryan Getzlaf et de Corey Perry et de l’avoir fini sur le même trio que
Sidney Crosby et Jarome Iginla, dans un match où le Canada a gagné l’or aux
dépens des États-Unis.
Aujourd’hui, il en a vu d’autres et il comprend qu’il ne jouera pas le même
rôle au sein de l’équipe nationale – surtout qu’il portera le C.
Ce poste lui sied bien, et il est honoré de cette responsabilité.
« Je n’ai pas l’intention de laisser cette chance passer, soutient-il. Je
vais faire tout ce que je peux pour qu’on gagne. Il pourrait y avoir des
moments où mon expérience nous sera utile; je vais faire de mon mieux pour
rester moi-même et soutenir l’équipe. »
Doan estime que l’ex-capitaine des Hurricanes pendant sept saisons était
tout indiqué pour mener Équipe Canada en raison de son charisme naturel, un
outil précieux sur la glace et dans le vestiaire.
« C’est un centre costaud qui se déplace bien sur la glace, qui monte au
filet et qui finit les jeux, à l’offensive comme à la défensive. C’était
horrible de jouer contre lui, se remémore Doan.
Et dans le vestiaire, c’est un leader naturel. J’ai dû prendre des
décisions difficiles pour les Olympiques, mais le nommer capitaine n’en
faisait certainement pas partie. »
Pour Staal, cette deuxième expérience olympique ne constitue pas qu’une
autre chance de décrocher l’or; c’est aussi une expérience enrichissante
sur le plan culturel et personnel.
« C’est vraiment très agréable, et c’est sûr que c’est unique,
indique-t-il. On est choyés, c’est vraiment bien organisé. Et sans les Jeux
olympiques, je ne serais probablement jamais venu ici. »
Comme d’habitude, les attentes sont élevées pour le contingent canadien.
Doan et Staal le comprennent bien, et ils croient qu’Équipe Canada a ce
qu’il faut pour rapporter l’or.
« Partout dans le monde, même dans notre vestiaire, il y a beaucoup
d’attentes envers Équipe Canada, affirme Doan. Peu importe où ou contre qui
Équipe Canada joue, on s’attend toujours à une victoire. »
Staal juge que son expérience devrait être utile pour comprendre l’ampleur
de la tâche.
« On ne pourra pas simplement faire acte de présence. Notre équipe est bien
équilibrée, mais la compétition va être féroce. On a hâte de montrer ce
dont on est capables. »
Et si le Canada remportait tous les honneurs, serait-ce une bonne
conclusion pour sa carrière?
Il dit qu’il ne pense pas à ça.
« Je me concentre sur notre équipe et notre tournoi, insiste-t-il. Et sur
la chance de réaliser le rêve de la médaille d’or. Si la LNH cogne à ma
porte par la suite, j’en serais très content, mais sinon… On verra après
les Olympiques. »