Puis, j’ai dû faire face à un inconnu sans précédent, le plus gros défi dans ma carrière au hockey. Je suis déménagée à Calgary en août 2017 pour la centralisation à Hockey Canada dans l’espoir d’être nommée à l’équipe olympique féminine du Canada pour les Jeux de PyeongChang en 2018. Chaque jour, je consignais soigneusement dans un journal tous les événements importants de la journée. Ça m’aidait immensément à gérer le stress et l’anxiété que je ressentais.
À vrai dire, ça a été l’une des années les plus difficiles de ma vie. Je me suis présentée pour la centralisation en mauvaise forme physique et j’ai eu à faire du rattrapage et de la préparation physique supplémentaire (ce qui haussait mon stress). Chaque jour, il fallait performer, peu importe notre état mental ou physique (ce qui haussait mon stress). Comprenez-moi bien, la centralisation a été une expérience incroyable pour laquelle je suis extrêmement reconnaissante. Mais comme athlète centralisée pour la première fois, j’ignorais totalement comment gérer mon anxiété et j’avais du mal à trouver un équilibre. Je parlais régulièrement à notre entraîneuse en préparation mentale et à notre médecin – je sentais que mon anxiété devenait un poids insupportable.
Mais ce n’était pas le moment de soigner ma santé mentale. Ma priorité était de jouer au hockey et d’aller aux Olympiques.
Le 20 novembre 2017. Je peux vous raconter toute cette journée dans ses moindres détails. C’est la journée où j’ai été libérée et renvoyée chez moi. Mon rêve de participer aux Olympiques a pris fin, tout bêtement. Pour moi, c’était la fin du monde. Je me souviens que Mel Davidson, notre directrice générale, m’a demandé si ça allait. Ça n’allait évidemment pas, mais je savais qu’elle s’inquiétait de mon état d’esprit, ce qui était tout à fait légitime. La nouvelle m’a atterrée. J’ignorais comment j’allais pouvoir l’annoncer à ma famille. J’avais l’impression de l’avoir laissée tomber. Le temps d’une journée, j’ai perdu la chance d’être avec mes coéquipières, mes plus proches amies, et mon but ultime d’aller aux Olympiques s’est envolé.
Tout a basculé en un clin d’œil, et j’ai remis en question tout mon avenir. Ça peut sembler exagéré, mais je ne souhaiterais jamais la douleur que j’ai ressentie à mon pire ennemi. La douleur de savoir que tous les efforts d’une vie entière, que la personne que l’on croit être aux yeux des autres, vous sont dérobés si rapidement. Face à ma douleur, j’ai pris la décision difficile de refaire ma vie à Montréal. Je sentais que je devais fuir et m’extirper de la noirceur. Surtout, je devais y parvenir par moi-même. C’est exactement ce que j’ai fait.
Ce qui me rend d’autant plus fière est que je n’ai jamais été aussi bien avec moi-même. J’éprouve encore des difficultés, d’énormes difficultés même, à trouver le bonheur au quotidien. Mais j’ai appris et je continue d’apprendre à m’accepter comme je suis. Oui, je porte le numéro 23. Oui, je suis droitière. Oui, je suis défenseure. Mais j’ai aussi le cœur sur la main, je me soucie des autres autour de moi et je prône le respect et la loyauté. Je suis empathique. Je n’ai pas peur du ridicule. Je suis compétitive. Je suis forte.
Ah oui, je joue au hockey, aussi.

P.-S. Je n’ai pas la prétention d’être une experte en matière d’anxiété et de dépression. Mais je veux que les gens sachent que tout le monde peut éprouver des difficultés. Ma mère, ma sœur et ma grand-mère sont mes inspirations; non seulement elles ont fait leur chemin dans la vie, mais elles ont réussi toutes leurs entreprises avec un succès RETENTISSANT tout en menant cette bataille. Je combats l’anxiété et la dépression chaque jour, et ce, en croyant et en sachant que je suis plus qu’Erin Ambrose, la joueuse de hockey. Donc, peu importe qui vous êtes, ce que vous faites, sachez que votre identité ne s’arrête pas à votre profession. Vous êtes à votre place, vous êtes incroyable et vous ferez encore mieux demain.
À propos de l’auteure
Erin Ambrose a fait ses débuts avec l’équipe nationale féminine des moins de 18 ans du Canada en août 2015 à l’âge de 15 ans et demeure la plus jeune joueuse à avoir pris part au programme des M18, en plus d’être la meilleure pointeuse de tous les temps de ce programme parmi les défenseures. Sa carrière internationale compte 81 matchs à tous les paliers du Programme national féminin du Canada, deux médailles d’or et une médaille d’argent au Championnat mondial féminin des M18 de l’IIHF, ainsi qu’une médaille d’argent et une médaille de bronze au Championnat mondial féminin de l’IIHF. Elle a également remporté l’or à deux reprises avec Ontario Rouge au Championnat national féminin des moins de 18 ans en 2009 et en 2011, de même que l’argent aux Jeux d’hiver du Canada 2011.